Art naïf : l'imaginaire riche et coloré de Barbara Sala

le vendredi 14 avril 2023 Modifié à 15 h 20 min le 13 avril 2023

Par Ali Dostie adostie@gravitemedia.com


Barbara Sala, dans son appartement. Sur le chevalet, l’une de ses dernières œuvres, évoquant le convoi de la liberté à Ottawa (Photos : Le Courrier du Sud – Ali Dostie) 

L’artiste se fait demander à l’occasion pourquoi elle peint des œuvres si colorées, alors qu’elle est de tempérament plutôt sérieux. «Ça n’a rien à voir avec mon mood», explique-t-elle. 

Ce n’est pourtant que lorsqu’elle a vécu une dépression qu’elle a troqué les tubes de couleurs pour le fusain.

«C’est inconscient. Je fais confiance à ce que mon subconscient me dit et là, les autres le découvrent», réfléchit Barbara Sala, assise sur un coin de fauteuil, dans le chaleureux salon de son petit appartement décoré de maintes de ses toiles.

Et à son tour aussi de découvrir, après coup, ce que peuvent cacher ses créations. Y apprend-elle sur elle-même? «Je crois que oui», constate-t-elle.


Autodidacte

Barbara a découvert la peinture en psychothérapie, période durant laquelle elle a suivi des leçons de piano.  «Après trois mois, j’ai vu des images dans ma tête. J’ai dit «Bye bye piano!» Les images, ce sont les miennes», relate celle qui a grandi dans les Alpes bavaroises.

L’ensemble du corpus qu’elle a créé durant sa thérapie se trouve au Musée international d’art naïf de Magog, à propos duquel elle insiste pour dire quelques mots. 

Car ce dernier aura contribué à son essor artistique.

Barbara Sala s’est mise à la peinture sans formation. Lorsqu’elle s’est lancée dans un parcours universitaire en arts, un expert lui a rapidement mentionné qu’elle n’avait pas sa place sur les bancs d’école. «Soit ignorante et ne détruit pas ton style», avait-il affirmé à Mme Sala.

«Les peintres d’art naïf n’étudient pas. C’est un art qui vient du cœur.»

-Barbara Sala 

Son travail a été récompensé du premier prix d’une exposition d’art amateur à Saint-Eustache, avant de prendre le chemin de l’art professionnel.

La galeriste Janine Blais, à North Hatley, a recommandéà Mme Sala de rencontrer Yvon Daigle, artiste reconnu d’art naïf, qui fondera le musée au début des années 2000.

«Il a tout de suite aimé ce que je faisais», signifie Mme Sala, qui a par la suite multiplié les expositions comme artiste professionnelle. 

Elle aimerait bien présenter ses oeuvres à nouveau au public, dans une galerie de la Rive-Sud, qui sait?

Symbolisme et exploration

Ses premières peintures sont «faciles à comprendre», décrit Barbara Sala, en montrant Apple picking ou encore La nuit avant Noël.


La nuit avant Noël© 

Au fil des années y est apparu le symbolisme : un lapin signifiant la douceur, un éléphant évoquant la sagesse.  Ce dernier peut d’ailleurs être planté dans un décor de neige, une vache peut paître dans le désert, peu importe : l’artiste qui a illustré deux livres pour enfants laisse toute la place à l’imaginaire. 

Peindre des animaux lui permet de «dire une vérité que l’humain ne peut pas dire», croit-elle. 

Elle explorera aussi une foule de matériaux – allant jusqu’à peindre des mandalas sur des couvercles de cannes de conserve, qu’elle colle ensuite sur des toiles – et une foule de façons de s’exprimer, alors que mosaïques, totems et sculptures ponctuent aussi sa création. Sans compter les poèmes qu’elle compose. Elle en cumule plus d’une centaine. 


La toile Les fleurs de mon esprit, conçue avec des couvercles de cannes de conserve.  

Ses œuvres sont teintées des divers pays où elle a vécu, notamment en raison de sa carrière au sein de l’ONU. Avant de s’installer au Canada en 1968, Mme Sala a vécu aux États-Unis – comme en témoignent les montagnes de l’Arizona dans certaines toiles – et en République démocratique du Congo.

Replonger dans son œuvre n’est pas un exercice qui lui plaît particulièrement, avoue-t-elle, en fin d’entrevue, notamment car son état de santé ne lui permet pas de créer autant qu’elle le voudrait. «Ça nous fait comprendre qu’on passe vite à travers les choses, qu’on ne les digère pas», philosophe-t-elle.


La mosaïque Obama©. 

Elle a tout de même récemment trouvé l’énergie pour organiser l’exposition Sourire naïf en couleurs et images réunissant une soixantaine de ses œuvres à la Résidence l’Émérite, où elle habite depuis six mois. 

Le «sourire» du titre réfère à l’effet que suscite ses toiles chez ceux qui les regardent, ce qui a de quoi réjouir Barbara Sala.